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Foreign-accented speech et discrimination basée sur la langue dans l’enseignement des matières en anglais à l’université : Considérations expérimentales et enjeux didactiques

Le 23 mai 2017

Présentations Radek Skarnitzl Institut de Phonétique, Université Charles, Prague et d’Alice Henderson (Université Savoie – Mont Blanc /Lidilem)

Résumés

Thématique

Les recherches ont démontré que le foreign-accented speech (FAS) influe fortement sur le comportement humain au niveau des processus inconscients. Bien que la plupart des gens souscrivent ouvertement à la tolérance, la discrimination inconsciente basée sur les traits de langue (sous la forme de stéréotypes et préjugés perceptuels latents) est un phénomène bien connu. Plusieurs études ont montré que les locuteurs ayant un accent étranger ont tendance à être évalués comme étant moins intelligents ou compétents (e.g., Brennan & Brennan, 1981 ; Bresnahan et al., 2002 ; Lindemann, 2003). De plus, les énoncés provenant de locuteurs non-natifs sont perçus par des natifs comme moins véridiques (Lev-Ari & Keysar, 2010) ; des données similaires ont également été obtenues auprès de publics non-natifs (Hanzlíková & Skarnitzl, à paraître).
Il est probable que ces réactions négatives soient dues (au moins en partie) au fait que notre accent est un indicateur très saillant de notre appartenance – ou non – à un groupe. Cela permet aux autres de nous identifier tout de suite comme étant

... either familiar or foreign, young or old, male or female, and so on. It is also the basis for intelligibility, affecting the extent to which others understand what we are trying to say (Moyer, 2013 : 9).

Nous retenons la définition de Moyer, pour qui le mot accent se rapporte autant au parler des natifs qu’à celui des non-natifs, et qui le définit comme « un ensemble d’habitudes prosodiques et segmentales qui véhiculent du sens linguistique ainsi qu’une affiliation sociale et situationelle » (2013 : 11). Ainsi le parler non-natif sera, pour nous, synonyme de foreign-accented speech et fait référence à un parler marqué par des traits acoustiques de la langue maternelle du locuteur.

Partie 1 : Considérations expérimentales (Radek Skarnitzl)

Dans mes travaux avec mes collègues de l’Institut de Phonétique nous nous sommes focalisés sur les différentes façons d’explorer l’effet que produit un anglais parlé avec un accent tchèque sur l’auditeur.
Il est évident que dans les recherches sur l’évaluation de la personnalité d’un locuteur – que ce soit dans sa langue maternelle or quand il s’exprime dans une autre langue – il est crucial de bien construire le protocole expérimental, en particulier dans la préparation de stimuli pour des tests de perception et dans l’élimination de variables parasites. De plus, les tendances ne sont visibles qu’à partir d’un nombre relativement élevé de répondants.
Dans une étude, nous avons comparé des évaluations de crédibilité, compétence et véracité de trois groupes de locuteurs : des locuteurs natifs d’anglais et des non-natifs tchèques et français. Les résultats suggèrent qu’en général foreign-accentedness a bien un impact sur la perception du statut du locuteur. Cette influence va dans le sens attendu, où les locuteurs natifs sont évalués plus positivement. Cependant, cet effet n’est pas systématiquement validé : en fonction des locuteurs et des énoncés utilisés dans le test de perception les évaluations divergent quelque peu.
Notre prochaine étude vise à combler les lacunes de la première et fait appel aux étudiants de plusieurs pays européens et de disciplines différentes. De façon plus importante, les stimuli seront également manipulés acoustiquement afin d’obtenir des réactions précisément liées aux traits qui nous intéresse dans la parole des locuteurs.
Cette partie du séminaire examinera les possibilités et les limites de ces manipulations acoustiques si on souhaite s’en servir dans des recherches expérimentales sur l’impact perceptuel d’un parler non-natif.

Partie 2 : Les enjeux didactiques (Alice Henderson)

A partir du processus de Bologne en 1999, les universités européennes ont fait un effort considérable pour promouvoir l’internationalisation de leurs étudiants, souvent en augmentant le nombre de cours disciplinaires enseignés en anglais (English-medium instruction ou EMI). Ces cours prennent souvent la forme de cours magistraux, un format très répandu à l’université pour enseigner des contenus disciplinaires. Ils ont en commun que le public s’attend à ce que l’enseignant soit compétent. Le fondement même du contrat didactique est que, non seulement l’enseignant est censé être compétent mais les étudiants sont censés le percevoir comme tel. Cependant, la compétence perçue peut se trouver menacée si les étudiants ont du mal à traiter cognitivement l’anglais parlé par l’enseignant avec un accent, ou s’ils ne perçoivent pas favorablement ce parlé.
L’impact de foreign-accented speech peut avoir de conséquences bien réelles, en particulier dans les contextes formels où les accents standards sont préférés et reçoivent des évaluations plus élevées sur les / quant aux traits de la réussite et de la confiance en soi (Creber & Giles, 1983 ; Côté & Clément, 1994). Ceci nous amène à nous demander comment les étudiants européens jugent l’expertise disciplinaire de leurs enseignants lorsque ces derniers sont non-anglophones de naissance mais enseignent leur matière en anglais. Plusieurs facteurs entrent en jeu, dont le statut d’une variété, les attentes sociales (McGowan, 2015 ; Rubin, 1992) et le degré d’aisance dans le traitement cognitif (Bradlow & Bent, 2008). Logiquement, l’essor des cours enseignés en anglais devrait nous faire réfléchir sur la manière dont former des enseignants – et les étudiants. La réponse est à n’en pas douter aussi bien didactique que pédagogique. Devrions-nous focaliser nos efforts avec les enseignants sur la modification ou l’ajout d’un accent ? Et les étudiants devraient-ils recevoir une formation guidée autour des aspects langagiers, en complément aux cours magistraux ? Et si oui, quel type de formation ? Il est essentiel de trouver réponse à ces questions, que l’on positionne un cours enseigné en anglais plutôt du côté des cours disciplinaires ou du côté des cours de langue.
Je propose que, pour formuler des réponses valables et faisables, il faut modifier notre approche et aller vers un paradigme plus holistique et interactionnel. Il faut prendre en compte non seulement les capacités mais aussi les responsabilités des enseignants, comme des étudiants. L’enseignement des matières en anglais – ou toute autre langue non-maternelle pour le public concerné – devrait s’accompagner d’une double formation. Les enseignants pourront améliorer leur intelligibilité et les étudiants, leur capacité à traiter cognitivement un parler non-natif, dans l’espoir que les deux groupes acquièrent une attitude plus positive envers la diversité.
 

Références

Bradlow, A. & Bent, T. (2008). Perceptual adaptation to non-native speech. Cognition, 106/2, pp. 707–729.
Brennan, E. M. & Brennan, J. S. (1981). Measurements of accent and attitude toward Mexican-American speech. Journal of Psycholinguistic Research, 10, pp. 487–501.
Bresnahan, M. J., Ohashi, R., Nebashi, R., Liu, W. Y. & Shearman, S. M. (2002). Attitudinal and affective response toward accented English. Language and Communication, 22, pp. 171–185.
Côté, P. & Clément, R. (1994). Language attitudes : An interactive situated approach. Language and Communication, 14, pp. 237–251.
Creber, C. & Giles, H. (1983). Social context and language attitudes : The role of formality-informality of the setting. Language Sciences, 5, pp. 155–161.
Hanzlíková, D. & Skarnitzl, R. (submitted). Credibility of native and non-native speakers of English revisited : Do non-native listeners feel the same ? Research in Language.
Lev-Ari, S. & Keysar, B. (2010). Why don’t we believe non-native speakers ? The influence of accent on credibility. Journal of Experimental Social Psychology, 46, pp. 1093–1096.
Lindemann, S. (2003). Koreans, Chinese or Indians ? Attitudes and ideologies about nonnative English speakers in the United States. Journal of Sociolinguistics, 7, pp. 348–364.
McGowan, K. B. (2015). Social Expectation Improves Speech Perception in Noise. Language & Speech, 58(4), 502-521.
Moyer, A. (2013). Foreign Accent : The Phenomenon of Non-Native Speech. Cambridge : Cambridge University Press.
Rubin, D. L. (1992). Nonlanguage factors affecting undergraduates’ judgments of nonnative English-speaking teaching assistants. Research in Higher Education, 33(4), 511-531.

Date

Le 23 mai 2017
Complément date
15h30

Localisation

Complément lieu
petite salle des colloques

Publié le 16 janvier 2019

Mis à jour le 25 février 2019